Helvetic
Manu Rich
ou les tressaillements de l’étendue par Christian Noorbergen
Art de création à l’état brut. Choc rude. Effets d’art somptueux, costauds et saisissants. Art de combat et de combattant. Des taches, des flaques, des nappes, des coulures, des stries et des trouées. D’inarrêtables tensions. On voit des tranchées d’espace et d’intenses coulées d’univers, bloquées à vif sur la toile. Manu Rich est un récalcitrant qui saccage les belles apparences. Qui crée de la profondeur convulsive. Des taches d’infime soleil, d’où jailliraient tous les mondes, flottent dans l’insondable. De souples surfaces d’art, sans fin, se superposent en chromatiques mirages.
Et chez lui, toujours, un espace s’ouvre sur d’autres espaces, et les frontières mentales disparaissent. Icare du dedans, aventurier du dehors, et sans l’influence lointaine d’un Goya inoublié, Manu Rich saisit l’art à la gorge. Il enchante les profondeurs. Des clartés d’outre-monde, ou peut-être d’outre-peinture, traversent à vif des territoires d’intimité. On voit des lumières de grotte intérieure, archaïque et première.
L’univers, chez Manu Rich, semble sans cesse en train de naître. Le chaos règne, et d’éphémères splendeurs transparentes, fragiles et mouvantes, traversent des paysages d’étrangeté, horizontalité et verticalité mêlées. Fusion inouïe de sensuels flux de couleurs, tandis que des fantômes de souvenirs exorcisent le passé. Les guerres d’hier font aussi les guerres du dedans… Mémoires partagées d’humanité blessée, et fenêtres ouvertes sur l’ailleurs des mondes…
L’art de Manu Rich est d’abord nocturne et souterrain, quand même si, parfois, l’initiale suggestion d’un soleil couchant envoûte la toile. Très vite de subtils recouvrements s’installent, des nappes d’espaces pluriels se déploient, et des giclées d’érectiles blancheurs violentent la toile. “J’installe des masses et je laisse le hasard travailler“ dit ce créateur. L’abstraction s’approche, et le vertige croît. La surface des choses est balayée, l’espace tout entier respire, quand naissent des vents devie saisis dans l’instant de leur vibration… C’est le feu des naissances premières, où l’air se brûle, où se corrode toute surface, où se purifient les signes. En surgit une peinture quasi cosmique, par émergences subtiles sans fin renouvelées.
Les violets de Manu Rich sont charnels et profonds, ses verts disent la nature oubliée, et ses ors trahissent le soleil disparu. Ses transparences absorbent tous les contours. Des poussières d’univers, broyant le vide, incantent l’étendue, et l’étendue tressaille. Des lignes discontinues, aventureuses et fiévreuses, inventent des paysages inconnus, et d’impossibles voyages.
Art de traces d’âme et de flamboiements d’étendue. Art de portes psychiques et de seuils à franchir. Manu Rich embrase des espaces virtuels habités d’allusions plastiques et de secrets vitaux, de surgissements graphiques et de talismans abstraits. Cet art hétérogène et pluriel s’ouvre à la démesure vitale.
L’art vit de ses braises chaudes, et chaque œuvre est une secousse.
Christian Noorbergen
a Light is an easy-to-read font, with tall and narrow letters, that works well on almost every site.